Société
Tayeb Hamdi : "Le variant marocain n'est ni plus contagieux, ni plus grave"
05/04/2021 - 20:55
Ghita IsmailiSNRTnews : Est-ce que le communiqué du ministère de la Santé est contradictoire avec le contenu du post du professeur Ibrahimi ?
Dr. Tayeb Hamdi : Pas du tout. Le professeur a parlé d’un variant 100% marocain. On sait que le virus, depuis son apparition en décembre 2019, a connu plus de 30.000 mutations. Les mutations sont donc une affaire de tous les jours. Il y a des centaines de mutations au quotidien. Les mutations qui n’ont pas d’importance sont classées en tant que tel dans les laboratoires, point à la ligne. Ils sont partageables et partagés sur la plateforme GISAID (Global Initiative on Sharing Avian Influenza Data) pour suivre leur évolution au niveau mondial.
Les pays qui ont une veille génomique comme le Maroc peuvent détecter les variants. S’il y a une chose à conclure du post de Pr Ibrahimi, c’est que le Maroc a une veille génomique qui est efficace.
Comment une mutation du virus peut être détectée ?
Il y a deux façons. Les pays qui n’ont pas de veille génomique doivent attendre un changement ou un virement de l’épidémie. Autrement dit, quand l’épidémie devient de plus en plus grave ou au contraire, elle peut s’éteindre d’un seul coup. Ces pays ne comprennent pas et cherchent à savoir si le virus est devenu plus virulent ou s’il a perdu sa virulence et trouvent des variations.
Au contraire, les pays les plus puissants en matière de veille génomique comme la Grande-Bretagne, qui est 100 fois plus importante que la France par exemple, à chaque fois qu’ils détectent une mutation, ils le signalent et le partagent sur la plateforme GISAID. Quand il y a une mutation, cela ne veut pas dire qu’il y a forcément un changement de la virulence. Pour des milliers de mutations, il n’y a rien à faire.
Faut-il s’inquiéter du variant marocain ?
Le variant marocain n’a aucune implication clinique ou épidémiologique. Ce variant n’est ni plus contagieux, ni moins contagieux, ni plus grave, ni moins grave. On ne peut même pas comparer le variant marocain aux variants britannique, sud-africain ou brésilien. On le compare seulement à la souche dominante parce qu’il est similaire à celle-ci. C’est un variant qui n’a pas beaucoup d’intérêt, si ce n’est pour la communauté scientifique.
Si le communiqué du ministère de la Santé parle seulement du variant britannique, c’est que c’est le seul VOC (variant of concern) présent actuellement au Maroc. C’est le seul qui a de l’importance pour l’instant.
Quelle est la différence entre une souche, un variant et un génome ?
Le génome, c’est le matériel génétique. Suivant le cycle d’évolution du virus, il y a d’abord la mutation, le variant, la lignée et ensuite la souche. Une mutation veut dire un petit changement au niveau de quelques protéines, ce qui ne change rien au niveau du virus. Quand cette mutation est importante, cela donne lieu à un variant. Chaque variant a une lignée. La lignée britannique a par exemple plusieurs variants. Lorsqu’il y a des modifications plus importantes, on appelle ça une souche.
Est-ce qu’il faut s’inquiéter des cas du variant britannique présents au Maroc ?
Oui, bien sûr. Il fallait s’inquiéter dès l’apparition des premiers variants plus virulents apparus dans le monde, avant même leur arrivée au Maroc. Ils allaient finir par arriver sur le territoire de toute façon. Il faut être très prudent.
Est-ce qu’il faut revenir à un confinement pour bloquer la propagation du variant britannique ?
Plusieurs pays ont eu affaire à ce variant. La France a essayé de résister, en évitant de prendre des mesures drastiques, mais a fini par céder. C’est comme la gangrène diabétique, si tu n’amputes pas le doigt, tu finis par amputer tout le pied. Avec ce variant, il faut être très prudent et très anticipatif et prendre des mesures très fortes.
Maintenant, est-ce qu’il faut aller jusqu’au confinement ? Cela dépend de la situation épidémiologique. On ne peut pas confiner une population plus longtemps que le voudrait la situation. Le risque c’est de prendre des mesures drastiques pendant très longtemps et gratuitement.
En même temps, avec les risques d’une troisième vague, il ne faut pas prendre du retard. Je pense que la situation épidémiologique actuelle est inquiétante. Ce qui est certain, c’est que dans les jours à venir, notamment ramadan, il n’est pas du tout raisonnable d’alléger les restrictions, encore moins après le ftour. Il ne faut même pas y penser. Il faut doser certes, au regard des risques de répercussions sur l’économie, mais c’est une carte qui est maintenant sur la table.
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