Société
Le chant du cygne pour le village touristique de Tasblast à Imsouane
19/01/2024 - 16:44
Mohammed FizaziLe 17 janvier 2024, les résidents de Tasblast ont été bouleversés par un avis de délogement, leur laissant seulement 24 heures pour quitter leurs demeures. Ce village, surnommé le "Santorini du Maroc", est le cœur historique et vibrant d'Imsouane. Il abrite d’anciennes habitations, des familles de pêcheurs, des guesthouses, des camps de surf et des restaurants de charme.
Une caractéristique unique de l'architecture locale est les "aftas", des habitats troglodytes construits par les pêcheurs il y a environ cinquante ans, qui sont également menacés de disparition. Cette décision du gouvernement suscite de nombreuses interrogations et inquiétudes, autant chez les locaux que chez les touristes étrangers. Pour ces derniers, Tasblast n'est pas seulement un lieu de visite ; c'est un investissement émotionnel et financier de longue date.
Outre la perte d'un patrimoine culturel et historique précieux, la destruction de Tasblast menace, selon les locaux et les touristes, de bouleverser un écosystème touristique unique, fidèlement construit et entretenu par la communauté locale et les surfeurs. Ces derniers, acteurs essentiels de l'économie régionale, se trouvent désormais face à la perte d'un lieu cher à leur cœur et à leur histoire.
Les répercussions écologiques de cette destruction sont également préoccupantes. Les décombres risquent de contaminer les plages et de perturber l'environnement côtier de manière durable. La question se pose alors : pourquoi choisir de détruire un patrimoine aussi riche pour un développement immobilier, alors que le Maroc dispose d'autres littoraux adaptés à de nouveaux projets?
Younes, qui a investi il y a quelques années dans l’une des maisons troglodytes de Tasblast, exprime son désarroi face à cette situation. "En détruisant Tasblast, ils effacent notre mémoire collective, tout ce qui représente notre histoire," a-t-il confié dans une déclaration à SNRTnews. Notre interlocuteur rappelle que c'est ce village qui a lancé l'économie du surf à Imsouane et attiré les touristes. “C'est l'âme d'Imsouane qui est menacée, un patrimoine culturel, identitaire, architectural et social va disparaître. Comment peut-on développer un village touristique en détruisant l’esprit touristique même dudit village?” se demande-t-il.
Notre interlocuteur, qui affirme avoir un acté d’achat notarié enregistré au tribunal d’agadir, un contrat notarié, un compteur d’électricité en son nom, souligne que c’est l’identité architecturale, patrimoniale, économique du village, que les autorités s’apprêtent à détruire, qui attire les touristes de tous bords. "Les touristes ne reviendront plus, si ce qui fait le charme du village est détruit. Actuellement, ce sont les touristes étrangers qui refusent la décision des autorités et qui ont lancé des pétitions contre la destruction du village”.
Et d’ajouter qu’il y a eu des discussions, il y a deux ans, avec le Wali de la région d’Agadir ainsi que le ministère du tourisme afin de développer l’aménagement touristique dans le village, et qu’il espérait que ce dernier allait un jour être classé au patrimoine. De plus, poursuit-il, les habitations troglodytes que les autorités s’apprêtent à détruire forment une identité visuelle à l’internationale. Il s’agit des habitations les plus photographiées par les touristes, les plus publiées sur Instagram, même les plus grands équipementiers de surf au niveau mondial sont venus y faire des shootings pour leurs produits”.
Younès déplore la méthode brutale employée pour cette éviction et s'interroge sur la logique de détruire un lieu qui fait le charme d'Imsouane et attire tant de visiteurs. "Pourquoi détruire ici, quand il y a tant d'autres endroits pour développer des projets immobiliers ? Le Maroc possède un patrimoine culturel unique ; sans cela, il n'aura rien de plus à offrir que d'autres pays ensoleillés avec des plages."
Notre interlocuteur explique que les autorités justifient cette décision par une volonté de “libérer le domaine maritime”. “Légalement, l'État est dans son droit de récupérer le domaine public maritime. Mais il faut donner plus de temps pour une étude évaluant l’impact d’une telle décision? La vraie question qu’il faut se poser est : qu’y a-t-il à gagner d’une telle destruction? Et qu’y a-t-il à perdre. Et s’il s’agit de développer des projet touristiques, pourquoi tout détruire pour tout reconstruire?”, se demande-t-il.
Ajoutant : “Si le Maroc veut développer son tourisme il suffit, au lieu de détruire tout ce patrimoine, de nous faire entrer dans l’économie formelle. Les locaux et les touristes seraient contents. Il suffirait de classer ces habitations comme maison d’hôtes et le Maroc aurait gagné des lits supplémentaires pour les touristes”.
Notre interlocuteur insiste sur le caractère patrimonial authentique de Tasblast. Afin d’en savoir plus sur cette question, SNRTnews a contacté le directeur du patrimoine au sein du ministère de la culture, Mustapaha Jlok. Ce dernier nous a confié que le village n’est pas classé comme patrimoine culturel par le ministère, mais qu’une équipe allait être dépêchée sur place afin d’évaluer la valeur patrimoniale de ces habitations, et déterminer les mesures à prendre.
Affaire à suivre…
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