Politique
Cafouillage, parti pris, dérapages linguistiques ... le Parlement européen perd ses repères
10/06/2021 - 23:47
Younes Saoury"Cafouillage" et "bricolage" c’est par ces mots que l’eurodéputée bruxelloise Latifa Aït-Baala a décrit ce qui s’est passé ce jeudi 10 juin 2021 au Parlement européen. Rassemblés en urgence autour d’une proposition de résolution déposée par plusieurs membres du parlement sous l’intitulé : «Violation de la convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et l’instrumentalisation des mineurs par les autorités marocaines dans la crise migratoire de Ceuta», des eurodéputés, qui devraient dénoncer de supposées violations des droits des enfants marocains, se sont écartés de l’ordre du jour pour orienter le débat sur le soutien au polisario et le contrôle des frontières de l’Espagne et de l’Union européenne (UE).
Un alibi pour défendre le polisario
Cette prise de position est "inhabituelle" pour l’Instance européenne où "l’étendard de l’invasion migratoire semble avoir séduit quelques parlementaires en mal de crise identitaire", s’indigne Latifa Aït-Baala qui regrette l’adoption de cette proposition à 397 voix pour, 196 abstentions et 85 contre.
La partialité de cette catégorie d’eurodéputés en faveur du polisario est manifeste. Ceux-ci ont profité d’un conflit bilatéral entre le Maroc et l’Espagne pour "lui donner une dimension européenne, manifester sur la scène européenne leur soutien au polisario, mais surtout exiger un rôle plus important de l’Union européenne dans le conflit du Sahara alors que tel n’est pas le rôle de l’UE", tonne l’eurodéputée bruxelloise. À preuve : "Ni la proposition de résolution ni les signataires ne reviennent dans leurs déclarations sur la véritable raison du conflit diplomatique", fait remarquer Latifa Aït-Baala.
Flash-back. Le 18 avril 2021, le chef des milices du polisario a été admis secrètement dans un hôpital espagnol de Logroño. Brahim Ghali serait arrivé en Espagne à bord d’un avion algérien sous une fausse identité avec la complicité des autorités espagnoles. Pourtant, celui-ci est poursuivi devant la justice espagnole notamment pour des exactions et crimes commis dans les camps de Tindouf à l’encontre de plaignants marocains et espagnols. Cet incident diplomatique "a mis le feu aux poudres des relations diplomatiques entre les deux États", note la députée bruxelloise.
Dérapages linguistiques
Dans ce brouhaha général, la voix de la raison a été assourdie par des députés européens hostiles à la position marocaine sur le Sahara. Jordi Canas, représentant du parti centriste espagnol Ciudadanos, ne s’est pas détaché du passé colonialiste espagnol et est allé jusqu’à dire que "le contrôle des frontières ne doit pas être une Marche Verte des enfants". Des propos qui ont irrité la députée bruxelloise Latifa Aït-Baala pour qui "la symbolique de la référence n’est pas anodine".
Latifa Aït-Baala a aussi mis en lumière une autre forme de dérapage linguistique porté par Salima Yenbou (Verts) qui a parlé de "mettre fin à une occupation", mais aussi de Urban Crespo (GUE) évoquant une "occupation illégale du Sahara". Ce dernier "ignore totalement l’histoire, le droit international, la prérogative onusienne en la matière et l’intégrité territoriale du Maroc qui, elle aussi, est non négociable", commente l’eurodéputé bruxelloise.
Moult amendements
La résolution instiguée par les eurodéputés espagnols à l’encontre du Maroc demeure controversée dans la mesure où elle a embarrassé un bon nombre de groupes au sein même du PE. Le député́ européen Andréa Kovachev (PPE) signataire de la proposition de résolution par solidarité́ européenne, et afin de prévenir toute crise migratoire à l’avenir, a par ailleurs souligné que le titre de la résolution devait être modifié comme suite à un amendement introduit et ne correspondait pas à la nature du débat.
Il a mis l’accent sur l’entrée secrète en Espagne du leader du polisario sous un faux nom. Il a par ailleurs souligné que le Maroc est un partenaire historique et stratégique notamment dans la lutte contre l’immigration et le terrorisme. Ce n’était manifestement pas l’esprit des initiateurs de la proposition de résolution qui semblent faire fi des actes perpétrés par Brahim Ghali. D’autant plus que les termes utilisés par cette résolution, amendée à maintes reprises, dénotent d’un rejet et non d’une condamnation, contrairement à la première mouture rédigée par les eurodéputés espagnols.
Paradoxe !
À défaut d’obtenir le soutien des États membres de l’UE, l’Espagne s’est tournée vers ses relais au sein du Parlement européen dans une nouvelle tentative d’européaniser une crise bilatérale. Ceci dit, dans le cadre du même débat portant sur les droits des enfants marocains, la Commission européenne représentée par la Commissaire Helena Dalli a rappelé la qualité du partenariat stratégique entre l’UE et le Maroc ainsi que la nécessité de le renforcer en raison d’intérêts communs. Elle a en outre souligné l’importance d’aborder les questions migratoires dans le cadre plus global des relations UE-Afrique et d’œuvrer dans un esprit de confiance mutuelle entre les deux rives de la méditerranée.
Une voix de la raison que le Parlement européen ne pourra assourdir en dépit de ses multiples tentatives d’instrumentaliser un conflit bilatéral pour servir des agendas cachés. Une dernière remarque et pas des moindres : Il est inhabituel que le Parlement européen s’érige en défenseur des principes des Nations Unies alors que ni le Conseil de Sécurité ni l’Assemblée générale ne se sont prononcés au sujet des mineurs marocains.
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