Société
Alzheimer: Quand les émotions défient l'oubli!
23/09/2023 - 14:42
MAP
Dans sa forme la plus classique, la maladie d'Alzheimer se traduit par des troubles de la mémoire et des difficultés d'organisation des schémas moteurs, et ce par atteinte du lobe pariétal et du lobe temporal, responsable de la mémoire, indique la neurologue Nada Benkirane.
Située à l’intérieur du lobe temporal, l’amygdale est l’élément central de la production des émotions, relève-t-elle, ajoutant que cette structure est relativement préservée aux stades précoces de la maladie.
Son atteinte, explique-t-elle, se traduit surtout par un défaut de contrôle des émotions, ainsi que par une altération des fonctions cognitives telle que l’attention, la motivation, le raisonnement et la planification.
Cette réalité scientifique s'exprime d'abord à travers l'expérience des patients touchés par la maladie d'Alzheimer, dont les capacités cognitives et les comportementales s'effritent progressivement avec le temps. C'est également un fardeau pour leurs proches, appelés à jouer un rôle essentiel en termes de prise en charge.
Condamnés à partager le quotidien de leurs proches malades dans cette épreuve déchirante, les membres de la famille redoublent d'efforts pour s'adapter à la nouvelle donne. Prendre soin d'un patient atteint d'Alzheimer n'est pas une sinécure, tant cela exige des sacrifices et un dévouement inconditionnel.
Dans les stades avancés de la maladie, lorsque les troubles de la parole empêchent toute communication, les aidants soulignent l'importance de maintenir un lien émotionnel avec le patient, souvent un parent ou un conjoint, en dépit de la difficulté de cette tâche.
Meriem, dont le père était atteint d'Alzheimer, affirme que le lien émotionnel avec son père n'a pas complètement disparu. "Quand je lui tenais la main, il me la serrait fortement et longuement, me fixant du regard pendant un moment. Même s'il ne me reconnaissait pas, il savait que j'étais très proche de lui", confie-t-elle.
Agée de 36 ans, la jeune femme se souvient qu'elle pouvait persuader son père, même lorsqu'il refusait de monter en voiture, en se tenant face à lui, en lui prenant la main et en lui parlant doucement avec affection. De tels gestes étaient leur unique moyen de communication.
Cependant, l'expression des émotions n'est pas toujours positive. "En présence d'inconnus ou lorsque des questions lui étaient posées, il montrait des signes de malaise, d'inconfort et de mécontentement", fait-elle observer.
Zohra partage une expérience similaire en expliquant avoir trouvé une manière d'apaiser l'anxiété et le regard perdu dans le vide de sa mère aux derniers stades de la maladie.
Cette native de Tanger a dû réorganiser sa vie pour travailler le soir afin de pouvoir prendre soin de sa mère tout au long de la journée. Zohra raconte comment elle déplaçait son propre lit à côté de celui de sa mère, lui prodiguant des caresses apaisantes.
"Son visage reflétait un sentiment de sécurité et de tranquillité", note-t-elle. "Quand je lui prenais la main et je lui disais combien elle était chère pour moi et combien je l'aimais. Je savais qu'elle ne pouvait pas me répondre avec des mots, mais exprimait ses sentiments en me serrant fermement la main et en me regardant dans les yeux."
Selon Zohra, cette affection maintient un lien spécial entre l'aidant familial et le patient, offrant à celui-ci une source de sérénité et de calme au milieu d'un monde, de plus en plus méconnaissable pour lui.
La maladie d'Alzheimer demeure un défi déchirant pour ceux qui en sont touchés et pour leurs proches, néanmoins, la force de l'amour et de l'affection continue d'illuminer les moments sombres de cette difficile épreuve.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 55 millions de personnes sont atteintes de démence dans le monde dont l’Alzheimer est la cause la plus courante et serait à l’origine de 60 à 70% des cas.
À l’occasion de la Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer (21 septembre), la dégradation inexorable de la mémoire des personnes touchées et le cri de cœur des familles font figure d’un appel pour parvenir à une prise de conscience de cette maladie déconcertante et une promotion de la recherche en faveur d’un meilleur dispositif d’aide aux patients et aux personnes qui partagent leur vécu.
Par El Hassan Ben Yahia
Articles en relations
Société
Société
Société
Monde